Jacqueline prend son nouveau Quetico 17 de Souris River Canoes à Atitkokan

Un voyage en canot coupé court: Jacqueline Boileau partage son histoire

juillet 18, 2018

18 juillet, 2018

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Gillies, ON

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Jacqueline Boileau

J’ai entendu l’hélicoptère décrire des cercles au-dessus de nos têtes...avant de se poser à environ un kilomètre de là. Je me suis traînée hors de la tente en t-shirt et en shorts. J’ai laissé derrière mes bas, mes souliers et mes lunettes : ma vie était en jeu.

Le samedi 30 juin 2018, j’ai entrepris avec mon conjoint Jim et ma chienne Rosie un voyage d’une semaine en canot au parc Quetico. La journée était chaude et humide, et je prenais soin de bien m’hydrater entre les coups de pagaie, les portages et le transport de nos trois sacs. Je transpirais abondamment, et quand je me suis passé la langue sur les lèvres, j’ai remarqué un fort goût de sel. J’ai donc bu plus d’eau.

Le premier jour est toujours le plus difficile. On manque d’entraînement, on n’est pas accoutumé à pagayer pendant des heures, et réussir à équilibrer le canot avec les sacs et le chien n’est pas évident. C’est aussi à ce moment que les sacs sont les plus remplis. Au début, on mange les aliments les plus lourds – et les plus délicieux –, et nos muscles s’habituent à leur nouvelle routine. C’est une merveilleuse façon d’occuper une semaine de vacances, et le trajet nous enthousiasmait : nous allions traverser une section du parc que nous n’avions jamais visitée auparavant.

Nous avions finalement réussi à balancer notre canot Souris River tout neuf, et nous savourions enfin le plaisir de le faire glisser sur l’eau. Mais j’étais fatiguée; nous avons donc décidé d’établir le campement assez tôt, vers 15 h 30, à la pointe Mosquito (au lac Pickerel). Nous avons déchargé le canot, monté la tente et tendu la bâche, et Jim a préparé le souper. Comme je commençais à me sentir un peu étourdie et à avoir mal au cœur, j’ai continué à boire de l’eau. Je me suis dit que ma glycémie devait être basse, alors j’ai pris une assiette (de délicieuses mini-saucisses fumées de chez Bogdala’s, à Thunder Bay, avec des patates, des carottes et des oignons) et je me suis assise pour manger, certaine que je n’allais pas tarder à me sentir mieux.

Jacqueline essayant de manger alors qu'elle commençait à se sentir mal

J’avais tort. Mon malaise s’est accentué et je suis allée me coucher tôt, emportant ma bouteille d’eau pour continuer m’hydrater. J’espérais que le sommeil me redonnerait des forces, mais non. Je me suis rapidement rendu compte que mes étourdissements s’intensifiaient au lieu de disparaître. Puis j’ai commencé à vomir. Et à vomir. Et à vomir… 

Pensant que je devais être déshydratée, j’ai évidemment essayé de continuer à boire, mais mon estomac ne gardait rien. Pendant les dix heures qui ont suivi, j’ai vomi des douzaines de fois. Alors que Jim était étendu sur son sac de couchage parce qu’il faisait trop chaud dans la tente, j’étais agitée sous le mien de frissons incontrôlables. J’étais malade, terriblement malade, et j’avais l’impression que j’allais mourir. Pas comme quand on a la gastro et qu’on souhaite juste faire cesser le malaise; cette fois, ma peur de ne pas m’en sortir était intense et bien réelle, au point où elle perçait même le brouillard des pires étourdissements et du pire calvaire que j’aie jamais endurés.

Jim, qui avait passé la plus grande partie de la nuit à s’inquiéter pour moi, m’a annoncé qu’il comptait partir chercher de l’aide en canot dès l’aube. Si je n’avais pas été aussi malade, ça m’aurait soulagée; mais dans les circonstances, j’espérais simplement pouvoir tenir jusque-là. 

Je l’ai entendu se lever. Curieusement, il avait maintenant accès au réseau cellulaire. Il a tout de suite composé le 9-1-1, et on l’a averti qu’un hélicoptère d’Ornge arriverait dans les deux prochaines heures. Le répartiteur a demandé nos coordonnées, puis nous avons attendu l’arrivée des secours.

J’ai entendu l’hélicoptère décrire des cercles au-dessus de nos têtes (apparemment, Jim agitait les bras sur la rive pour attirer leur attention) avant de se poser à environ un kilomètre de là. Je me suis traînée hors de la tente en t-shirt et en shorts. J’ai laissé derrière mes bas, mes souliers et mes lunettes : ma vie était en jeu.

Au grand soulagement de Jim, j’ai réussi à me hisser dans le canot sans qu’il ait à me transporter. Je m’y suis effondrée, cramponnée au plat-bord, pendant qu’il pagayait vers l’hélicoptère orange salvateur perché sur un îlot rocheux. Sur la rive, notre chienne nous suivait, inquiète qu’on l’abandonne. Mais je ne m’en souciais pas : j’étais entrée en mode survie. Me redresser pour vomir par-dessus bord me demandait toute mon énergie. La vue des quatre paramédicaux et pilotes vêtus de noir qui m’attendaient devant l’hélicoptère m’a toutefois redonné espoir. Nous avons accosté et ils m’ont tirée vers eux, vers la sécurité. Je ne me souviens plus comment je suis montée à nord de l’hélicoptère, mais je sais qu’ils m’ont rapidement branchée à des moniteurs et mise sous perfusion intraveineuse. J’ai ouvert les yeux après que l’appareil a quitté le sol et concentré mon attention sur les voix calmes et réconfortantes des paramédicaux. Pour la première fois depuis le début de cette épreuve, je me suis sentie en sécurité.

Ma curiosité est insatiable, et j’adore les hélicoptères; je suis donc évidemment très déçue d’avoir été trop malade pour profiter de mon voyage jusqu’à Kenora! 

Quand mes sauveteurs m’ont transférée dans l’ambulance, une fois au sol, ils m’ont demandé si je pouvais les aider un peu. Ça m’était impossible. Mes forces m’avaient complètement abandonnée; je pense que je n’arrivais même plus à lever le bras. Ils m’ont portée.

À l’hôpital, j’ai réussi à me rappeler mon nom et ma date de naissance, que j’avais répétés toute ma vie, mais l’adresse m’a demandé un effort conscient (j’avais quitté Atikokan au printemps 2017 pour aller vivre avec Jim à Gillies, à 40 minutes au sud de Kakabeka Falls). Je m’en suis finalement souvenue, mais quand on m’a demandé où je travaillais, je n’ai pas su quoi répondre : je n’en avais aucune idée. J’étais employée de Lakehead Public Schools depuis trois mois, et c’était comme si ça n’était jamais arrivé.

J’ai passé la nuit à l’hôpital, où j’ai appris que je souffrais d’hyponatrémie grave, un trouble qui se manifeste lorsque le taux de sodium sanguin est dangereusement bas. Sans traitement, j’aurais pu être saisie de convulsions et tomber dans le coma, ou encore subir une crise cardiaque. Il paraît que les électrolytes, c’est important.

On m’a dit que je devais cesser de prendre des diurétiques pour traiter mon hypertension, puisqu’ils obligent l’organisme à excréter du sodium. J’ai appris que parfois, boire trop d’eau peut être dangereux, car l’eau dilue le sodium dans le sang. Dorénavant, je me fierai à ma soif, et non à la sagesse populaire, pour déterminer la quantité d’eau que je dois boire. D’accord. J’ai retenu la leçon, et je ne suis pas près de l’oublier.

Je prévois faire un autre voyage en canot en août avec des amis. Cette fois, j’apporterai des sachets de préparations pour réhydratation (comme Gastrolyte ou Gatorade), pour ajouter à l’eau que je compte boire en quantité raisonnable. Finir le voyage par mes propres moyens me fera du bien.

Dire que je suis reconnaissante envers les travailleurs des services d’urgence ne leur rend pas justice. Ces inconnus, ces personnes que je ne saurais décrire ni reconnaître, m’ont sauvé la vie. Tout ce que je peux dire, c’est merci. Merci beaucoup. Je l’apprécie énormément. Être en vie, c’est merveilleux.

Au cas où vous vous posiez la question, Rosie a fini par se jeter à l’eau pour suivre le canot, et Jim l’a fait monter à bord, trempée. Depuis notre retour, elle ne me quitte pas d’une semelle : elle refuse d’être à nouveau laissée derrière. 

Jim n’a pas eu à pagayer seul pour retourner à la maison. Il a communiqué avec son fils Eric, qui travaille comme technicien en canot-camping chez Quetico, et le parc a envoyé un bateau à moteur le chercher. Il paraît qu’un canot Souris River chargé à craquer est assez facile à remorquer… Ce n’est pas exactement ce que nous avions prévu pour nos vacances, mais même s’il s’agit de notre voyage en canot le plus exigeant, tout est bien qui finit bien.

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